Pérou : Internet pour tous

DAVID MANGURIAN
José Soriano est convaincu qu’à un moment donné, au cours du prochain millénaire, Internet sera à la portée des Latino-américains appartenant à toutes les classes de la société pour un prix raisonnable. Cependant, il n’est pas prêt à attendre aussi longtemps.

Ce journaliste, expert en télécommunications et actuel directeur général de Red Científica Peruana (RCP) est en train de promouvoir un moyen inédit de mettre Internet à la portée d’utilisateurs ayant de faibles revenus et habitant dans des zones sous-développées, pour un coût raisonnable.

Son projet fonctionne à l’heure actuelle dans 27 locations dans tout le Pérou. Connus sous le nom de cabinas públicas, ces centres publics d’informatique disposent en général de 20 ordinateurs personnels reliés à Internet et pouvant être «loués»par des utilisateurs à partir d’un dollar par heure. Ces centres fournissent également une formation, des comptes personnels pour courrier électronique, la création de pages sur le Web, et d’autres services.

Ces cabinas se sont avérées extrêmement populaires chez les personnes ne possédant pas de ligne téléphonique à la maison ou ne peuvant pas se permettre d’acheter un ordinateur, une catégorie de consommateurs qui représente encore plus de 95 % de toute la population, selon J. Soriano.

Ce qui est peut-être le plus frappant est le fait que les cabinas sont rentables. Créé en 1991 par J. Soriano et quelques amis, le RCP a été conçu avec la conviction «qu’Internet allait révolutionner l’accès à l’information», a souligné récemment J. Soriano à l’occasion d’une interview. Cependant, «nous voulions nous assurer que les universités, les ONG et les simples citoyens pouvaient faire partie de cette révolution», a-t-il ajouté.

J. Soriano et ses associés ont créé le RCP avec à la fois un soupçon d’idéalisme et un sens aigu des affaires. Ils savaient que de fournir l’accès à Internet serait coûteux, c’est pourquoi ils ont adopté un système de cotisations qui couvre les coûts et leur permet de se développer tout en restant abordable. Aujourd’hui, le RCP opère comme une société autonome et elle est devenue le principal pourvoyeur d’accès à Internet au Pérou.

Des groupes associés, au nombre de 11 500, sont co-propriétaires du RCP et paient en moyenne 18 dollars par mois pour pouvoir accéder au réseau ; 80 000 autres utilisateurs qui sont inscrits versent une cotisation encore plus faible. Soixante personnes travaillent à temps complet dans la société et s’occupent de la gestion des ordinateurs, serveurs, routages et autre matériel pour la mise en place de réseaux, dont la valeur totale se monte à 2,8 millions de dollars. En 1997, les recettes provenant des cotisations d’utilisateurs devraient atteindre 4 millions de dollars.

Les cabinas du RCP fonctionnent comme des franchises. Pour un investissement initial d’une somme minimale de 2 500 dollars, le RCP fournit à un franchisé qualifié des ordinateurs, périphériques et du matériel pour réseau d’une valeur de 60 000 dollars. Les franchises, qui sont gérées habituellement par des succursales de banques commerciales, des chambres de commerce ou des entrepreneurs individuels, sont alors entièrement responsables de la partie financière, comptant sur les cotisations des utilisateurs pour rembourser le RCP et générer un profit respectable.

Des investisseurs étrangers commencent à s’intéresser à ce type de projet. A la conférence Informatique 2000 de la BID, le Département du secteur privé de la Banque et Worldtel Ltd., une compagnie d’investissement qui élabore et finance des projets de télécommunications pour les marchés qui font surface, ont annoncé qu’ils prévoient d’offrir au RCP un financement de créances par prises de participation pour un projet de 125 millions de dollars en vue de construire 1 000 nouvelles cabinas dans tout le Pérou. D’après Warren Buhler qui travaille à la BID et est le coordinateur de la conférence, les décaissements pourraient commencer au début de l’année prochaine, et la Banque envisage de financer un projet similaire en Argentine.

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